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Compte-rendu des journées de l’atelier « Cultures de l’imprimé postcoloniales et archives : pratiques et terrains, méthodes et enjeux »

Compte-rendu des journées de l’atelier « Cultures de l’imprimé postcoloniales et archives : pratiques et terrains, méthodes et enjeux » organisé par Laetitia Zecchini les 27 et 28 juin 2023 dans le cadre de l’IRNPPC1 (Paris, Ecole normale supérieure)

avec Claire Riffard, Maëline Le Lay, Tristan Leperlier, Benedetta Zaccarello, Julie Peghini, Yves Chemla, Céline Gahungu, Francesca Orsini, Charles Scheel, Guy Dugas, Laetitia Zecchini.

 

Photo des participant.es au workshop
A moment of the Parisian workshop. Credits : IRN PPC team.

Plasticité de l’archive

L’archive ne se laisse pas définir aisément. Nous avons durant ces deux journées d’atelier beaucoup questionné son acception et ses frontières (évolutives, dans le temps et dans l’espace), volontiers recouru à des images pour tâcher de nous la représenter ; par exemple, l’archive comme une « armoire qui traverse le temps » (Benedetta Zaccarello).

L’archive se caractérise par sa polysémie, son caractère polymorphe et plastique, intermédial également. Il s’avère ainsi beaucoup plus intéressant de poser la question de ce qu’est l’archive, comme l’a fait Benedetta dans le cadre de son propre IRN « What is an Archive in India and Europe » que de vouloir parvenir à une définition. Benedetta, qui invite à distinguer « les archives », de « l’institution archive », propose d’ailleurs la notion de « fonction d’archive », et s’interroge sur les manières dont se concrétisent ou bien se déploient cette fonction dans différents contextes.

Guy Degas a aussi souligné la mise en crise de la notion d’archive comme mémoire nationale, comme patrimoine national. Son propre travail d’éditeur pour la collection « petits inédits maghrébins » (el kalima éditions), cherche également à faire éclater la notion même de patrimoine/littérature/archive nationale(s).

Au-delà de la polysémie, la fragilité de l’archive est patente : elle est bien souvent exposée à la menace de dispersion ou d’endommagement au point d’être rendue illisible (comme dans le cas des archives de la revue Algérie Action /Littérature sur lesquelles travaille Tristan Leperlier). Est-ce là une spécificité postcoloniale ? Nous nous sommes beaucoup interrogé.e.s là-dessus. Il est certain que dans de nombreux contextes, l’archive manque ou est inaccessible : que sont devenus les épreuves, les manuscrits de tant d’écrivains algériens (Tahar Djaout, parmi d’autres) du 20ème siècle ont par exemple souligné Guy et Tristan ?

Il est à noter ici, que l’institution n’est pas forcément garante de la préservation (c’est le cas, par exemple, des archives de l’Union des Ecrivains Algériens). Céline Gahungu a aussi fait remarquer que la plupart des manuscrits envoyés dans le cadre du Concours Théâtral Interafricain, sur lequel elle travaille, ont été détruits ; l’OCORA (Office de coopération radiophonique) et RFI (Radio France Internationale) ont invoqué un manque de moyens, mais aussi l’idée selon laquelle ce n’était pas leur rôle.

Et que dire de l’Asie du sud, région dans laquelle Francesca Orsini et Laetitia Zecchini soulignent que les institutions gouvernementales ne s’intéressent guère aux archives littéraires : les archives des écrivains indiens majeurs du 19ème et du 20ème siècle, sont très rarement préservées, et même les revues/journaux les plus importants n’ont pas d’archives.

Les revues/journaux sont eux-mêmes les archives (Francesca) : un point également souligné par Yves Chemla à Haïti : étant donné la situation politique désastreuse, il n’y a pas d’archives, ni de réimpressions/ rééditions : le texte publié est lui-même une archive.

A noter le point fait par Julie Peghini qui souligne le contraste entre l’absence de projets archivistiques en Afrique francophone, en ce qui concerne la performance et les arts performatifs, par rapport à l’importance de ces projets en Afrique anglophone.

On peut alors se demander que faire du manque d’archives.

En Inde par exemple, il est plus difficile de faire de la critique génétique (la critique génétique, ce serait l’étape d’après ?), parce qu’il y a peu de manuscrits, peu d’archives accessibles. Affirmation que le travail de Benedetta sur Aurobindo Ghose2, ou les projets portés par la School of Texts and Records de Jadavpur University (voir notamment tous les manuscrits de Tagore rendus accessibles ici http://bichitra.jdvu.ac.in/index.php), et il y en a d’autres, permettent cependant de nuancer…

Que peuvent des outils comme l’entretien semi-directif avec des personnes-ressources, voire la statistique (comme dans le travail de Tristan) pour pallier le manque d’archives ? Et qu’implique, pour un chercheur / une chercheuse de se voir confier une mission de préserver ou « sauver » des archives ? Comment cette « mission » modifie-t-il so rapport à l’objet, quel « second rôle » cela lui fait-il jouer, au-delà de son principal rôle de chercheur / chercheuse?

La question de l’impact du chercheur/de la chercheuse sur les fonds d’archives étudiés et du positionnement du chercheur / de la chercheuse a été abordée diversement (voir aussi questionnements éthiques, ci-dessous).

Par exemple, Claire Riffard a souligné – citant Alain Ricard & Phyllis Clark – que les actions opérées sur des fonds d’archives par des chercheurs et chercheuses les transforment en corpus. De l’archive au corpus donc pour les spécialistes de génétique textuelle qui travaillent sur des aspects techniques (digitalisation, différents types de transcription, spatialisation). Peut-on voir le cheminement inverse, du corpus à l’archive, dans le cas du recueil de textes par la chercheuse qui va participer à les présenter en un ensemble et à les diffuser, sous la forme imprimée (anthologie) et digitale (plateforme associée), comme pour le projet d’anthologie du slam à Goma porté par Maëline Le Lay et Goma Slam Session? La question du « second rôle » dans ce cas précis où la chercheuse se fait co-éditrice, se pose ici.

Cette question du « second rôle » se pose dans un autre exemple donné par Maëline dans le cadre de son propre travail sur la pièce de théâtre d’une metteuse en scène belge, Frédérique Lecompte, à Goma – sa propre intervention, en tant que spectatrice et « experte culturelle » a permis de modifier le « texte » ou le canevas de la performance théâtrale.3

Davantage qu’un cheminement de l’un à l’autre, l’anthropologue Johannes Fabian avance un rapport constitutif de l’archive au corpus, affirmant que l’Archive a un corps, est un corps, dans tout son potentiel évolutif, mouvant et peut-être performatif :

« Like a body, a corpus has size, volume, weight, articulation of parts and members; as long as it is alive it grows and changes. The latter, growth and change, certainly fit the corpus of documents I produced (more often than found) in the course of my work as an ethnographer »4

Observant que les fonds d’archives sont exploités successivement et diversement, qu’ils ont toujours une histoire (souvent transculturelle), Benedetta insiste sur la fabrique de l’archive, et même sur sa genèse dialogique (dans le cas d’Aurobindo, et de ses archives dont l’édition critique a été effectué par les ‘ashramites’ eux-mêmes – la pratique quotidienne de l’écriture d’Aurobindo est même assimilée au yoga). Elle souligne également la virtualité de l’archive, sa latence liée à l’intentionnalité des usagers, qui implique une performativité de l’archive.

On est ainsi revenu plusieurs fois sur les travaux de Karin Barber, et sur les processus complexes d’entextualisation du discours dont elle parle.

Les interventions de Maëline, sur le travail de performance et d’improvisation théâtral, et de Julie sur l’artiste camerounais Goddy Ley, ont permis de réfléchir à ce que pourraient être des archives de la performance, des archives éphémères, des archives sensorielles. Que se passe-t-il, se demande Julie, quand le corps des spectateurs / acteurs est le seul lieu de mémoire ? Le travail théâtral et performatif de Frédérique Lecompte, dont le « texte » ou « canevas » est mobile, recréé ou recomposé au gré des ré-usages et de l’improvisation des acteurs, permet également à Maëline de se poser les questions suivantes : qu’est-ce qu’un texte ? Et peut-on même parler d’une archive dans le cas de ce matériau mouvant ?

Laetitia s’intéresse, elle, aux usages, aux pratiques archivistiques des écrivains. Comment ces usages, ces pratiques créatrices de l’archive diffèrent-ils de ceux des chercheurs/chercheuses ? Face à l’indigence des programmes de conservation/préservation en Inde, nombreux sont les écrivains à être devenus non seulement des « chiffonniers » (terme central pour Laetitia et pour Maëline) d’archives, mais à proposer d’autres pratiques de l’archive (par exemple la traduction) qui ont trait au recyclage et à la recréation, à la « logique de la performance et non de la permanence » (Novetzke sur les traditions orales en Inde). Préserver ça n’est pas restaurer, mais réinventer.

Archive & Politique

Il existe aussi une série d’imprimés dans des revues littéraires diffusées dans des cercles étroits constitués au gré de sociabilités intellectuelles, voire d’amitiés littéraires, qui apparaissent comme autant de fragments cachés s’opposant à la logique totalisante, verticale de l’archive au sens commun du terme comme institution de pouvoir. Comme Laetitia le montre dans le cas des poètes de Bombay, le « choix du petit » et de la « minorité » peut être conçu comme une ressource, et un parti-pris fort de ces poètes.5

Ce refus d’être archivé ou inscrit dans un répertoire officiel, rappelle la position de certains écrivains qui ont pu revendiquer une « obscurité choisie » de leurs textes. En somme, rester dans l’ombre comme gage de liberté ou d’indépendance, mais parfois, aussi gage de survie, rempart contre les processus d’intimidation et de censure.

L’archive est (presque?) toujours politique. Qu’on questionne son accès, son absence réelle ou présumée, les modalités des protocoles de conservation et de ses usages ; ou ses généalogies (notamment coloniales, pour les contextes sur lesquels nous travaillons) on en arrive rapidement à des questions diversement politiques.

Notre intérêt pour les questions d’archive et pour les fonds d’archive peut nous faire perdre de vue le fait que l’archive n’est pas nécessairement désirable, souvent parce qu’elle embarrasse, pour des raisons diverses.

Autrement dit : « Who wants the archive? », comme se le demande Francesca.

Dans de nombreux contextes, la disparition des archives ou leur difficulté d’accès est liée à des contextes politiques (d’ailleurs souvent on ne sait si elles ont véritablement disparu ou si elles sont soumises à des logiques bureaucratiques et politiques inavouées), et cela a été rappelé à maintes reprises, notamment par Tristan pour ce qui est des archives de l’Union des écrivains Algériens, par Guy pour ce qui est par exemple d’un cahier de graffitis de l’écrivain Jean Senac, par Yves, dans le contexte haïtien, ou par Claire.

Que la conservation de certaines archives puisse être embarrassante pour les institutions et de ce fait, rendue peu accessible aux chercheurs et chercheuses, cela a maintes fois pu être observé dans le cas d’archives ou de collections coloniales conservées dans des institutions européennes – celles-ci optent cependant de plus en plus pour une visibilisation de ces collections problématiques par l’intervention critique et esthétique d’artistes plasticiens et performeurs.

Guy Dugas fait remarquer qu’une histoire des bibliothèques coloniales est toujours à écrire et il en veut pour exemple le cas de la section coloniale de la bibliothèque municipale de la localité d’Oujda au Maroc (à laquelle un curé a pu lui donner accès – la question des intermédiaires des archives est une question à explorer) qui était fermée au public comme le serait un cagibi, une pièce privée où on dissimulerait aux regards un fatras, un désordre, de la saleté peut-être ; en tout cas quelque chose de potentiellement un peu honteux.

Dans le cas des archives de la généreuse et infatigable chercheuse qu’était Dominique Malaquais, dont nous a parlé Julie Peghini, on se trouve dans un cas d’archives très désirables par ses amis et artistes camerounais et en particulier par la chefferie au sein duquel elle a travaillé durant des années. Dans ce cas, le dialogue et la fluidité d’un échange entre personnes (les archives de Dominique appartiennent à son ex-conjoint) et institutions – du Nord et du Sud – tel qu’appelé de ses voeux par Claire a pu se faire car le retour des archives de la chercheure sur le terrain était attendu par les acteurs locaux et les institutions. Son ancien laboratoire, l’IMAF, a contribué à ce retour en finançant la numérisation des archives, ce qui donne un bel exemple de collaboration entre institutions de recherche du Nord et des Sud, par l’entremise de Julie.

Ce fut aussi le cas pour les archives de Mouloud Feraoun en Algérie qui fit la demande à l’ITEM de se charger de la conservation et de la valorisation du fonds d’archives de son père.

On peut également aborder les archives radiophoniques du CTI, numérisées par l’INA, sous l’angle politique. Avec la diffusion par Céline d’un extrait de L’Enfer, c’est Orfeo (Sylvain Bemba, 1969) un échange porte sur ce sujet. S’il a existé des conventions d’universités avec l’INA (Guy au sujet de Pierre-Marie Héron à Montpellier), Claire, Julie et Céline observent que désormais, pour télécharger des archives numérisées par l’INA, il faut payer/travailler dans le domaine audiovisuel (Ina Media pro). Si ce n’est pas le cas, pour la grande majorité des archives, seules les consultations dans les centres Inathèque sont possibles. Ces archives sont liées à la politique culturelle de coopération franco-africaine, ce qui amplifie les questions. Maëline évoque le travail accompli dans le cadre du projet FMAN (Sarah Frioux-Salgas) consacré aux archives du Premier Festival mondial des Arts nègres de Dakar et à leur partage. Diffusé par les radiodiffusions africaines partenaires qui y collaboreront de plus en plus à partir de la fin des années 1970, ce théâtre radiophonique « interafricain » avait pourtant été conçu sous le signe d’une démocratisation de la culture.

Questionnements éthiques

S’agissant de notre intervention sur les textes que nous rencontrons et dont nous faisons un ensemble (qu’on l’appelle archive ou corpus), il est également loisible, dans le cas de textes destinés à être performés, de se demander si on a vraiment besoin de l’imprimé. Quelle nécessité de l’imprimé si la diffusion peut être assurée par un autre canal? Y a-t-il une valeur particulière attribuée à l’imprimé, au format livre (prestige, reconnaissance, etc.) ou pas du tout ? De la même manière, il serait bon de questionner ce que le digital, la digitalisation, fait à l’archive, dans quelle mesure cette opération sur l’archive participe à en modifier l’ontologie.

Plusieurs points ont émergé :

– Le soin accordé au choix du vocabulaire pour qualifier nos pratiques avec les textes, les imprimés et les archives sur nos terrains (« cartographie », « ressources », « découverte », « gisement », « mission », archives « en péril », etc.), témoigne de notre souci de travailler dans une éthique conforme à notre désir d’équité dans nos relations avec nos interlocuteurs du Sud. A été mise en avant l’importance cruciale de clarifier les questions juridiques liées aux droits d’auteur et à la juste considération des auteurs et de leurs ayant-droits dans le traitement de ces archives textuelles.

– On a par ailleurs beaucoup glosé, en écho notamment à l’article de Claire,6 sur la rhétorique dramatique et martiale, sur la rhétorique de l’urgence (qui est souvent stratégique, en ce qu’elle permet d’obtenir des financements) utilisé par nombre de programmes de numérisation du Nord, par exemple le ‘Endangered Archives’ Programme de la British Library.7

Pour autant, plusieurs exemples ont montré qu’il n’était pas toujours facile (ni même tout simplement possible) de nous prémunir du risque de voir notre démarche être interprétée comme de l’extractivisme textuel/culturel, voire de la prédation intellectuelle (Julie parle même du sentiment de « cannibalisation » ressenti par certains écrivains et artistes africains).

Cela est particulièrement vrai dans les Outremers français (Martinique, Polynésie française) où l’expression des ressentiments vis à vis d’un pouvoir central encore perçu comme purement et simplement colonialiste complique d’emblée le travail dès la prime phase d’approche ; ou encore en Europe chez des écrivains africains de la diaspora. A ce sujet, Charles Scheel, évoque son expérience de chercheur d’origine métropolitaine, empêché d’accès depuis 2016 au Fonds Joseph Zobel – accumulé par l’écrivain en France jusqu’à son décès en 2006, puis cédé par les ayants droit au Musée d’Histoire et d’Ethnographie de Fort-de-France, il y a près d’une décennie. Pour lui, cette situation découle manifestement de l’histoire coloniale des Antilles, et l’intégration des anciennes colonies dans la République française en 1946 continue de susciter des réticences.

Dans ces contextes, il n’est pas toujours possible « d’aller au-delà de querelles qui nous paralysent par l’expérience sur le terrain », comme le dit Benedetta, et que l’on voudrait pourtant pouvoir dépasser en assumant l’héritage qui est le nôtre (avec toute sa pesanteur).

Si l’on peut souhaiter dépasser la dimension nominative de ce changement de vocabulaire, considérant qu’il représente une étape nécessaire (mais peut-être superficielle) du changement de paradigme dans nos manières de travailler sur ces objets localisés au Sud qui ont en effet trop longtemps fait l’objet d’une prédation par le Nord, la question reste alors ouverte de savoir comment poursuivre notre travail autour des textes malgré tout. Au-delà de la substitution d’un terme par un autre, comment pouvons-nous faire évoluer nos pratiques et usages des textes, imprimés, archives sur lesquelles nous travaillons, afin qu’ils soient conformes avec une éthique que tous et toutes – au Sud comme au Nord – appellent de leurs voeux?

Le positionnement institutionnel, voire éthique du chercheur / de la chercheuse, que la présentation de Claire a soulevé d’emblée, a suscité un débat particulièrement intéressant.

Pour se ménager un accès aux archives dans les Suds où nous travaillons dans une quête de dés-asymétrisation, Claire a pris la décision de ne plus traiter que d’institution en institution, pour respecter les représentations locales de la souveraineté nationale. En tant que représentante elle-même de l’institution qui la salarie et l’envoie en mission (CNRS), il lui semble indispensable d’expliciter son positionnement professionnel dans les négociations avec les institutions locales, et de ne plus prendre en charge une conservation / valorisation de ces archives sans y avoir été officiellement invitée.

Reprenant la notion “d’impérialisme digital” mise en avant par Marie Rodet, Fabienne Chamelot et Vincent Hiribarren, elle explique que les actions de catalogage et de numérisation peuvent conduire à empiéter sur la souveraineté des États.

Pour Claire, il faut faire le pari des institutions dans les Suds, en partie pour que celles-ci adviennent.

Laetitia se demande si cette sorte de « charte éthique » à laquelle Claire tient ne doit pas se comprendre à travers un contexte et une histoire très spécifiques : la Françafrique.

Et puis, que faire dans des contextes où les archives institutionnelles sont des archives fantômes ou inaccessibles ; ou quand les archives sont issues de collectifs/écrivains/artistes qui se sont élevés contre les institutions (et n’ont pu exister qu’en dehors d’elles) ; ou dans des contextes où les états ne font aucun cas des archives d’écrivains, éditeurs, artistes, en censurent l’accès ou l’instrumentalisent à des fins, qu’elles soient nationalistes ou autres …

En Inde, d’ailleurs, comme l’a souligné Francesca, un nombre croissant d’initiatives privées d’archivisation de matériaux artistiques et littéraire ont pris le relais de l’état et des instances gouvernementales …

Elara Bertho et Laetitia (qui est revenue plusieurs fois sur cette notion, empruntée à Leela Gandhi, de « minorité » comme ressource) ont aussi souligné l’importance des relations inter-personnelles et amicales. C’est un réseau relationnel, un réseau de sociabilité et d’affectivité – avec toute la dimension également aléatoire ou instable que cette dimension relationnelle peut revêtir, qui rend possible, souvent, l’accès aux archives.

Sans doute faut-il prendre en compte plusieurs échelles d’analyse, plusieurs écosystèmes locaux.


1 Texte collectif, écrit à plusieurs mains, que je remercie vivement.

2 ‘Transferts et philologie d’auteur en contexte indien. Remarques sur l’étude génétique des manuscrits d’Aurobindo Ghose’, in L’Espace du sens, approches de la philologie indienne / The Space of Meaning, Approaches to Indian Philology, eds. Sylvia d’Intino & Sheldon Pollok, Paris: De Boccard, 2019, pp. 535-562.

3 Maëline Le Lay, ‘Du chiffonnier à l’anthropologue : statut du texte et positionnement du chercheur sur un terrain littéraire et théâtral’, Continents Manuscrits [Online], ‘Théâtres d’Afriques : des traces aux archives’, 13 : 2019.

4 Johannes Fabian, Ethnography as commentary. Writing from the virtual archive (Durham & London, Duke University Press, 2008, p. 15.

5Archives of Minority: “Little” Publications and the Politics of Friendship in Postcolonial Bombay, ‘Postcolonial Archives’, eds. Anjali Nerlekar & Francesca Orsini, South Asia: Journal of South Asian Studies, 45:2, 2022

6 Claire Riffard, ‘Dans les archives littéraires francophones africaines : Approche génétique et constitution de corpus’, Sources [Online], 5 : 2022.

7 La British Library, par exemple, a financé nombre de projets archivistiques dans les Suds, sans pour autant déplacer ces objets, documents, imprimés. Mais comme la BL a gardé le copyright sur ces images, la coopération (et le partage d’images) avec d’autres institutions dans les Suds est compliqué.